Maÿlis Josso, architecte d’intérieur, Flow et Architecture :
Avant de parler des solutions, il faut bien comprendre le problème. En l’occurrence, je suis convaincue qu’il y a un grand malentendu autour de la notion de confort. Les architectes et les maîtrises d’ouvrage appliquent des méthodes et des recettes top down(1), dans lesquelles le bien-être des occupants du lieu n’est qu’un des chapitres à traiter, et pas le plus important, par rapport notamment aux enjeux de rationalisation, d’efficacité et bien sûr de maîtrise des coûts. Pour tout dire, elles sont un peu déracinées du réel des utilisateurs.
Je considère pour ma part que le confort est une notion des plus personnelles, et qu’il est donc illusoire de vouloir satisfaire l’ensemble des individus en appliquant la même recette pour tous.
Maÿlis Josso : Les projets ont besoin de ce que j’appelle une assistance à maîtrise d’usage, c’est-à-dire de la mise en œuvre d’un ensemble d’outils qui vont permettre le questionnement des habitants d’un immeuble, du personnel dans des bureaux, des patients et des professions médicales à l’hôpital par exemple.
Je ne dis pas que c’est facile, et d’ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse mesurer objectivement un indice de confort. Une des difficultés vient de ce que les entretiens se font souvent après les chantiers, quand le mal est fait. On peut bien sûr en tirer des enseignements pour de prochains projets mais rien ne garantit que les mêmes besoins existeront, chez des personnes différentes.
Maÿlis Josso: il faut en retenir deux choses principalement. D’abord une mise en œuvre qui repose sur l’itération de scénarios d’usage que l’on co-construit, après des immersions en profondeur dans les services impliqués, et une écoute de tous, pas seulement des décideurs.
Ensuite Snoezelen est plus spécifiquement tourné vers le multi-sensoriel, c’est-à-dire la conception de lieux qui vont stimuler de la façon la plus riche possible leurs occupants. Cette approche est donc particulièrement intéressante dans des milieux éducatifs ou dans le monde de la santé.
Mais comprenez bien qu’il n’y a pas de recette miracle. Il faut passer du temps à écouter les utilisateurs, et ainsi comprendre que les besoins d’un service de pédiatrie ne sont pas ceux d’un service de gériatrie en termes d’aménagement. Cela peut paraître une évidence mais avec les approches uniquement basées sur les coûts, on finit par l’oublier.
Maÿlis Josso : Absolument pas. Elles permettent juste de partir dans la bonne direction et de se donner beaucoup plus de chance de satisfaire l’occupant final. Ce n’est pas pour rien si certains promoteurs immobiliers commencent à s’y intéresser. Ils ont compris que cette écoute préalable n’était pas synonyme de surcoûts à la construction mais plutôt de choix d’agencement, de matériaux peut-être, qui augmenteront le plaisir et donc la satisfaction exprimée.
Il y a derrière cela un enjeu d’image : regardez comme les personnes qui vivent des expériences sensorielles fortes, par exemple celles qui se rendent dans des hôtels de luxe, sont plus enclines à parler de ce qu’elles ont vécu, que lorsqu’elles vivent des situations plus classiques, sans surprise.
Maÿlis Josso : Je prône la sobriété par opposition à l’effervescence de consommation à laquelle on nous pousse. De fait, la multiplication des gammes pose aussi des questions environnementales alors qu’il serait plus cohérent de se concentrer sur certaines familles de produits qui vont dans le bon sens. Moyennant quoi, l’offre disponible s’élargit timidement et c’est tant mieux.